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PRÉSIDENTIELLE 2025 : UN SCRUTIN À MULTIPLES ENJEUX

15 min de lecture

En attendant le démarrage officiel de la campagne électorale, le 10 octobre 2025, sur l’ensemble du territoire national, la présidentielle 2025 présente des enjeux multiformes.

Le 25 octobre 2025, la présidentielle se tiendra sur toute l’étendue du territoire national. Comme c’est le cas à l’occasion de chaque échéance présidentielle, la Côte d’Ivoire retient son souffle. Surtout que, d’un côté, le Président de la République, en l’occurrence Alassane Ouattara, jure la main sur le cœur de garantir des élections apaisées. Les Ivoiriens pourront donc se rendre aux urnes la fleur à la boutonnière. De l’autre côté, Laurent Gbagbo, qui se pose comme la tête de gondole d’une opposition frustrée, veut en découdre, au besoin recourir à la « bagarre » si les conditions, seyant à une bonne frange de l’opposition, ne sont pas réunies.

Cette année, le scrutin sera marqué par des traits distinctifs majeurs. Notamment, la forclusion de candidats de poids et de poigne comme Laurent Gbagbo, Tidjane Thiam, Pascal Affi N’Guessan et, dans une certaine mesure, Assalé Tiémoko et Vincent Toh Bi Irié. Mais aussi, l’opposition est vent debout contre la candidature du président sortant Alassane Ouattara qui brigue, selon elle, le mandat de trop, assimilé à un « quatrième mandat ». Le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) dépose depuis le lundi 15 septembre des motions pour protester contre la candidature d’Alassane Ouattara. Du côté du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), les réunions s’enchaînent et la baronnie assure que le vieux parti participera à l’élection avec son candidat-président qu’est Tidjane Thiam.

Au pouvoir depuis 2011, Alassane Ouattara excipe le fait de la modification de la Constitution survenue en 2016 pour briguer un autre mandat, que ses partisans et lui qualifient de « deuxième mandat de la Troisième République », là où une grande partie de l’opposition parle d’un mandat illégal et illégitime qui viole la Constitution ivoirienne. Le Conseil constitutionnel, depuis le 8 septembre 2025, a dévoilé la nomenclature définitive des candidats en lice pour la présidentielle. Au total, ce sont cinq candidats qui ont été retenus. Il s’agit d’Alassane Ouattara, le président sortant, Simone Ehivet Gbagbo, Jean-Louis Billon, Ahoua Don Mello et Henriette Lagou.

En plus du genre qui est de mise, l’on constate tout de même la présence de personnalités et de visages bien connus de l’opposition. Jean-Louis Billon du PDCI-RDA et Ahoua Don Mello du PPA-CI en sont de pertinentes illustrations. Même si, au sein de l’opposition, il se clame que « la photocopie n’est pas l’original ». Allusion faite aux parrainages non obtenus par ces deux candidats de la part de leurs formations politiques que sont le PDCI-RDA et le PPA-CI. Malgré cet état de fait, le scrutin présidentiel de 2025 ne manque pas de saveur.

Les enjeux du scrutin

Locomotive des pays francophones de la sous-région ouest-africaine, l’élection présidentielle de la Côte d’Ivoire est scrutée avec la plus grande attention à l’extérieur. En interne, les populations ivoiriennes, dans leur pluralité, attendent beaucoup desdites élections, d’où la mise en exergue de ses enjeux. La présidentielle d’octobre 2025 en Côte d’Ivoire se joue sur plusieurs niveaux, chacun comportant des enjeux cruciaux.

Dans un contexte régional marqué et miné par la montée en puissance du terrorisme, le futur président qui sortira des urnes doit consolider le climat de paix et défendre l’intégrité du territoire. Au niveau économique, la Côte d’Ivoire doit continuer de jouer les premiers rôles. Ainsi, la croissance économique, qui oscille bon an, mal an autour de 6 à 7 % depuis 2012, doit se poursuivre. Longtemps décriée comme ne profitant pas à la majorité, la croissance devra être redistribuée de manière harmonieuse et équitable afin que les récriminations s’estompent.

Fortement majoritaires dans le corps électoral comportant plus de 8 millions d’électeurs, les jeunes dont l’âge est en deçà de 35 ans constituent 70 % de la population. Le chômage et le sous-emploi massifs font de l’accès au travail un enjeu majeur de cette élection présidentielle.

Il est indéniable que la transfiguration de la Côte d’Ivoire s’opère sous les yeux des uns et des autres. Toutefois, la question de la dette publique et du financement des grands travaux, surtout avec les emprunts massifs pour financer routes, ponts et métros, pose la question de la soutenabilité de la dette. La Côte d’Ivoire, qui veut en finir avec une certaine gérontocratie, va se servir de cette élection pour ouvrir une nouvelle page politique, refermant l’ancienne faite de tous les coups bas, d’intrigues et de batailles fratricides au détriment de l’intérêt supérieur de la Nation.

La recomposition de la classe politique

Le président Alassane Ouattara, élu en 2010 et réélu en 2015 et 2020, est retenu à nouveau par le Conseil constitutionnel pour tenter de briguer un autre mandat. La soixantaine de candidatures reçues par le Conseil constitutionnel montre bien l’envie d’un renouvellement générationnel. D’ailleurs, des personnalités comme Assalé Tiémoko et Vincent Toh Bi Irié émergent et imposent le respect.

Il faudra donc compter avec eux dans les années à venir. Ils viennent se greffer à d’autres noms comme Charles Blé Goudé, Guillaume Soro, Tidjane Thiam, qui ont encore de belles pages à écrire. En dehors d’eux, l’on a constaté que plusieurs citoyens ivoiriens ont candidaté, montrant qu’ils veulent être de vrais acteurs de la scène politique et non de simples spectateurs.

À compter de maintenant, il faut s’attendre à un bouillonnement de l’espace politique, en termes de décomposition et de recomposition. Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo, voire Pascal Affi N’Guessan doivent impérativement passer la main. Ils sont en fin de cycle.

Alassane Ouattara, dans son discours faisant acte de sa candidature, promet de transmettre le pouvoir à une jeune génération. « Nous pensons que la chaîne des générations est une chose tout à fait naturelle. Nous allons travailler à cela et nous serons à vos côtés », a déclaré Alassane Ouattara, réaffirmant ainsi sa volonté de transmettre le pouvoir à une génération plus jeune qui sera coachée.

Du côté du PPA-CI de Laurent Gbagbo, dès après la fin du combat contre le « quatrième mandat » d’Alassane Ouattara et les législatives, il sera impérieux de positionner une personnalité qui va tenir le gouvernail après le charismatique Laurent Gbagbo, qui a perdu beaucoup de force et d’énergie.

En décembre, la tenue des législatives fera indubitablement émerger de nouveaux visages qui viendront animer le marigot politique ivoirien. On l’espère, avec de nouvelles approches plus dynamiques, pragmatiques et républicaines. La montée de nouveaux visages sur la scène politique devrait rebattre les cartes et sortir de la logique des « gourous » qui ont marqué durant de longues décennies la scène politique.

Le rôle des jeunes et de la société civile

La jeunesse occupe un poids démographique significatif en Côte d’Ivoire, avec plus de la moitié de la population âgée de moins de 35 ans, représentant environ 75,6 % selon une publication de juillet 2022. En Côte d’Ivoire, la participation de la jeunesse au processus électoral n’est pas aussi déterminante que le seuil espéré. En 2024, à l’issue de la révision de la liste électorale (RLE), 943 157 nouveaux électeurs ont été enregistrés.

Un nombre jugé insatisfaisant quand on sait que la niche de jeunes électeurs possibles peut doubler, voire tripler, ce nombre. Toute chose à même de faire basculer le vote. Avec un total de 8 millions d’électeurs sur une trentaine de millions d’habitants, les jeunes qui, majoritairement, doivent se faire enrôler, s’excluent volontairement du processus électoral. Leur attitude suscite moult questionnements.

Le sentiment général est que la politique traditionnelle et la démocratie représentative, par lesquelles les électeurs déterminent l’issue des luttes de pouvoir au niveau des urnes, n’attirent pas l’attention des jeunes cohortes, qui se sentent étrangères aux processus politiques.

Les jeunes se trouvent bien souvent dans une situation différente et leurs priorités politiques et socio-économiques diffèrent de celles des générations plus âgées. En dehors du vote pratique, les jeunes restent soumis aux influences des politiciens de tous bords, qui n’hésitent pas à abuser de leur fragilité pour leur faire porter des combats d’arrière-garde.

En Côte d’Ivoire, à chaque élection majeure, c’est la jeunesse qui se retrouve en première ligne sur les fronts de combats fratricides. Les présidentielles de 1995, 2000, 2010 et 2020, qui se sont soldées par des événements sanglants, l’attestent. La jeunesse a payé un lourd tribut.

Pour les années à venir, il serait intéressant que la jeunesse soit quasi-majoritaire dans le corps électoral et décide du choix de la personnalité qu’elle veut porter à la tête de la Côte d’Ivoire.

Outre la jeunesse, les organisations de la société civile ont un rôle majeur à jouer dans le jeu électoral. Mais en Côte d’Ivoire, c’est un truisme de dire que les organisations de la société civile sont frappées du sceau de la suspicion. Le passé récent de la Côte d’Ivoire ne milite pas systématiquement pour la crédibilité de la société civile ivoirienne. Elle est perçue comme le prolongement de beaucoup d’organisations des partis politiques.

« Évitez d’être les porte-voix des partis politiques en habillant publiquement des hommes politiques. Ces prises de position assumées rendront inaudibles vos messages auprès des populations », déclarait récemment Myss Belmonde Dogo, ministre de la Cohésion nationale, de la Solidarité et de la Lutte contre la pauvreté. C’était à son cabinet au Plateau, lors d’une rencontre avec les organisations de la société civile (OSC).

Pour la présidentielle 2025, la société civile ivoirienne a l’occasion de redorer son blason et de se réinventer. Elle doit œuvrer, sans parti pris, à la tenue du processus électoral. D’autant plus que les élections libres, transparentes et démocratiques contribuent à asseoir la démocratie. Elles favorisent le renouvellement pacifique du personnel politique et assurent une légitimité aux dirigeants qui accèdent régulièrement au pouvoir.

Elles balisent la voie pour le développement, tant il est vrai qu’aux grandes échéances, un pays non démocratique plonge inévitablement dans la contestation, la violence et l’instabilité, crises qui bloquent sévèrement le processus de développement.

La Côte d’Ivoire, qui n’a pas encore connu de transmission pacifique du pouvoir, a besoin d’une société civile forte, pragmatique et dépouillée de tous les oripeaux pour jouer correctement sa partition.

Les influences qui impactent le scrutin

Dans un monde globalisé où les échanges sont plus intenses que jamais, l’ouverture économique de la Côte d’Ivoire, qui lui assure une embellie sous le magistère du président Ouattara, fait que cette élection présidentielle ne laisse pas du tout indifférents de nombreux acteurs à l’international. Les investisseurs, hommes d’affaires, multinationales et pays partenaires influencent directement la présidentielle du 25 octobre 2025 sur les bords de la lagune Ébrié.

À coup sûr, ils pèseront pour que la Côte d’Ivoire ne renoue pas avec tout ce qui est ominueux et funeste. Dans un pays où les sondages pèsent peu, la rhétorique et les offres puis projets de société de chacun des candidats compteront.

Il sera beaucoup plus question d’une analyse comparative entre le bilan du président sortant et les promesses de gouvernance des quatre autres candidats. Naturellement, c’est à ce niveau que les électeurs, en âme et conscience, choisiront de continuer avec le président sortant ou d’opérer un nouveau choix.

Le défi de laisser une Côte d’Ivoire paisible, loin des tumultes et oiseaux de mauvais aloi, influence très fortement cette élection. Sa bonne tenue renforcera non seulement la stabilité, mais donnera en plus un signal que les institutions se renforcent. La sécurisation du scrutin par les forces de défense et de sécurité sur toute l’étendue du territoire ne saurait être négligée.

Joël Rabdi

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